Les postes frontaliers des pays africains constituent l’une des plaques tournantes du secteur informel, où des centaines d’hommes et de femmes commerçants y entrent et sortent à un rythme infernal, afin de se faire un peu d’argent pour nourrir leurs familles. Ces va-et-vient presque fous et inarrêtables se font dans le cadre du commerce transfrontalier de petite échelle, une activité économique importante, mais qui reste en dehors des radars des décideurs politiques. Bien que les appels à réguler ce secteur « méconnu » se soient multipliés ces dernières années, ils restent cependant lettre morte.
Issa DA SILVA SIKITI
Selon des estimations, quelque 43% de la population d’Afrique subsaharienne, y compris des personnes vulnérables, surtout des femmes, vivent de cette forme de commerce qui n’est pas enregistrée dans les statistiques officielles.
« Ce commerce est effectué aux frontières des pays limitrophes ou voisins par des opérateurs économiques à petite échelle qui négocient des envois de faible valeur le long des corridors régionaux. Il représente presque la moitié des échanges commerciaux intra-africains et est donc un aspect primordial de l’économie locale constituant le revenu moyen de subsistance de millions d’africains », indique l’Organisation internationale de migration (OIM), dans un rapport publié en juin 2023.
Ces transactions transfrontalières jouent un rôle important en termes de développement durable en contribuant à la réduction de la pauvreté et à la sécurité alimentaire régionale, reliant producteurs et consommateurs de part et d’autre des zones frontalières. Et bien que cette activité soit dominée par des migrants peu qualifiés, elle devient de plus en plus attrayante pour les personnes plus qualifiées qui manquent d’autres opportunités économiques dans leur pays d’origine, ajoute cette agence onusienne.
Défis énormes
Malheureusement, ces commerçants font face à des défis énormes qui entravent le progrès et le déroulement normal de leurs activités.
Une étude conjointe publiée par le Centre européen de gestion de politiques de développement (ECDPM) et l’ENDA-CACID en juillet 2021 souligne que ces commerçants sont souvent en proie à des problèmes de sûreté et de sécurité, la corruption et le harcèlement par les agents frontaliers. Ce qui constitue des obstacles fréquents au commerce.
« Cette situation, conjuguée à d’autres barrières non tarifaires auxquelles ils restent particulièrement vulnérables les incite à éviter les canaux formels. La COVID-19 a accentué ces problèmes. Les pots-de-vin le long des corridors ouest-africains ont augmenté de 30% depuis l’apparition du COVID-19. Les conditions sont particulièrement difficiles pour les femmes ».
Georgine, une commerçante d’Afrique centrale, raconte : « Parfois ces agents nous disent que si tu acceptes de sortir avec moi, je te faciliterai la tâche pour faire passer tout ce que tu amènes et n’importe quand ».
Le rapport de l’ECDPM et ENDA-CACID renchérit : « Si certains considèrent cette activité comme un problème à éradiquer, d’autres y voient le résultat d’une réglementation excessive et rigide et, du coup, préconisent des réformes institutionnelles qui assurent un environnement réglementaire habilitant. De plus en plus, des voix s’élèvent par ailleurs pour qu’on apporte un soutien aux commerçants informels par le biais du renforcement des capacités ».
Le commerce transfrontalier est une activité économique importante