(L’avis partagé des experts sur le sujet)
Bien que des travaux soient en progression au niveau de l’Afrique vers une suppression totale des visas pour les Africains en destination d’autres pays africains, les restrictions en matière de visas restent particulièrement prononcées en Afrique du Nord et en Afrique centrale. En 2024, 48 pays sur 54 offraient aux citoyens d’au moins un autre pays africain la possibilité de voyager sans visa, sans modification notable par rapport à 2023. Toutefois cette initiative de suppression de visas entre pays frères, est confrontée à des craintes liées à l’emploi et à la sécurité manifestée par certains Etats qui tardent encore à mettre cette mesure en place. Cette thématique a fait l’objet d’un échange interactif entre experts et internautes. Voici, la quintessence des avis partagés des sachants sur le sujet.
Belmondo ATIKPO
L’exemption de Visas entre pays africains reste un puissant outil pour la libre circulation et la stimulation des échanges de biens et de services. Journaliste rwandais et vivant au Cameroun, Rémy Nsabimana est pour la suppression totale de visas entre pays africains. Pour lui, le démantèlement des frontières n’est pas seulement bénéfique : il est essentiel pour une économie florissante et sans frontières, où l’argent, le talent et les idées peuvent circuler librement. « Le visa est un frein pour la libre circulation et la mobilité des personnes et des biens entre les pays du continent. Je donne un exemple, Brazzaville et Kinshasa, deux villes qui portent le même nom. Ces deux pays sont traversés par le fleuve Congo qu’on peut traverser en 15 minutes. Même si, tu es citoyen de l’un des deux pays, il te faut un visa d’entrée. Et si tu es un africain, il te faut deux visas pour visiter la RDC ou le Congo Brazzaville », explique-t-il. Ziggy Malick Faye, entrepreneur touristique d’origine sénégalaise ne partage pas aussi l’idée de demander le visa à un africain pour se rendre dans un pays africain. « Les africains sont traités comme des étrangers sur leur propre continent », renchérit Rémy Nsabimana. Odome Angone enseignante-chercheuse à l’UCAD de Dakar fait remarquer qu’il est plus facile à un européen de circuler en Afrique ; qu’un africain de se déplacer d’un pays à un autre en Afrique.
Certains chefs d’Etat africains prônent l’exemption des visas. « Il ne sera plus nécessaire pour quiconque venant de n’importe quel coin du globe de porter le fardeau d’une demande de visa pour venir au Kenya. Bienvenue chez vous », a déclaré le président kényan William Ruto lors des célébrations du Jamhuri Day en décembre 2023. Le président rwandais Paul Kagame a fait écho à son homologue kenyan lors du sommet Biashara Afrika qui s’est tenu à Kigali en octobre dernier, en appelant à l’ouverture des frontières pour favoriser l’intégration et la coopération. « Pourquoi les habitants d’un pays ne pourraient-ils pas franchir librement la frontière pour se rendre dans un autre pays sur l’ensemble du continent ? Quel est le problème ? En fin de compte, nous sommes d’accord pour dire que nous sommes frères et sœurs et que nous sommes les mêmes personnes avec les mêmes besoins », a-t-il expliqué.
En 2024, les données sur les mobilités intra-africaines sont stables par rapport à l’année précédente. Trois types de critères sont pris en compte pour construire l’indice d’ouverture d’un pays africain envers un autre : la demande d’un visa avant le voyage ; la demande d’un visa à l’arrivée ; l’exemption de visa. On apprend que pour 47% des voyages internes à l’Afrique, les Africains ont besoin d’un visa avant de voyager, contre 46% en 2023. Les voyages avec demande de visa une fois arrivé dans le pays descendent à 25% du total des déplacements intra-africains contre 26% en 2023. Enfin, l’exemption de visa concerne 28% des voyageurs africains en 2024. Parmi les tendances mesurées, il y a l’option du système de visa électronique, proposée par 26 pays africains, qui allège les formalités de demande de visa avant le voyage. Le principe de réciprocité sur le plan bilatéral fait aussi partie de la boite à outils des États en matière de politique de visas.
Le Bénin un exemple d’intégration africaine
L’adoption de politiques libérales en matière de visas facilitera non seulement la fluidité des voyages, mais contribuera également de manière significative à améliorer les échanges de biens et de services, les investissements transfrontaliers et la prospérité partagée. Selon la Banque africaine de développement, l’Afrique compte plusieurs pays qui ont supprimé les visas pour les citoyens de tous les pays africains; notamment le Rwanda, le Bénin, la Gambie, les Seychelles, la Zambie, le Ghana ou encore l’Afrique du Sud. L’institution africaine indique que dans 28 % de tous les scénarios de voyage intra-africain, les citoyens africains n’ont pas besoin de visa. Cependant, un visa est toujours nécessaire dans 46 % des scénarios de voyage sur le continent en baisse par rapport aux 47 % de 2022 et aux 55 % de 2016. Selon Minata Samaté Cessouma, commissaire à la Santé, aux Affaires humanitaires et au Développement social à la Commission de l’Union africaine, l’essor du commerce des marchandises est étroitement lié à la libéralisation du commerce des services, qui dépendent tous deux de la circulation fluide des personnes à travers les frontières africaines, sans obstacle bureaucratique excessif.