Le 16 août 2024 marque une avancée significative dans la réforme de la coopération fiscale internationale, désormais sous l’égide des Nations Unies. Menée par le Nigeria, le Kenya, le Ghana, et d’autres pays africains, cette nouvelle phase de négociations promet un cadre plus inclusif et transparent, en opposition aux solutions proposées par l’OCDE. L’Afrique, en première ligne, influence désormais l’agenda fiscal mondial.
F.V.
L’Afrique renforce sa voix sur la scène internationale. Le vendredi 16 août 2024, une nouvelle étape a été franchie dans la réforme de la coopération fiscale internationale, avec l’adoption des termes de référence qui guideront les négociations futures sous l’égide des Nations Unies. Cette avancée, obtenue en moins de dix mois, marque un tournant pour les pays du Sud, en particulier pour l’Afrique, qui plaident depuis longtemps pour un cadre plus équitable que celui proposé par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). « Pour la première fois, nous avons des engagements pour une répartition équitable des droits d’imposition entre les pays et pour garantir que les politiques fiscales ne compromettent pas les droits humains à l’échelle mondiale. Cela prouve qu’un processus transparent et démocratique peut être bien plus efficace pour résoudre les problèmes globaux que les négociations opaques du club des pays riches à l’OCDE », a déclaré Alex Cobham, directeur exécutif de Tax Justice Network, une organisation œuvrant depuis vingt ans pour la réforme des règles fiscales et la transparence financière mondiale. L’adoption de ces termes de référence représente une victoire pour l’Union africaine, qui milite depuis longtemps pour une réforme de l’architecture financière internationale, particulièrement en ce qui concerne la mobilisation des ressources domestiques. Le Panel de haut niveau sur les flux financiers illicites, dirigé par l’ancien président sud-africain Thabo Mbeki, avait déjà soulevé la nécessité d’une coopération fiscale sous l’égide des Nations Unies, soulignant les effets destructeurs de l’optimisation fiscale agressive.
Vers un cadre plus transparent et équitable
Jusqu’à présent, c’est l’OCDE, mandatée par le G20, qui avait pris les rênes des discussions internationales sur la fiscalité, proposant des solutions pour lutter contre les pratiques fiscales douteuses, attribuer les droits d’imposition et instaurer un impôt minimum global. Cependant, ces propositions ont souvent été critiquées pour leur manque d’inclusivité et pour ne pas tenir compte des intérêts des pays économiquement plus faibles. Du 30 juillet au 16 août 2024, lors des récentes discussions à l’ONU, les pays du Sud, avec en tête le groupe africain dirigé par le Nigeria, le Kenya, le Ghana, et le Sénégal, ont réussi à imposer leurs priorités et à faire retirer une proposition de plusieurs pays européens visant à intégrer les travaux de l’OCDE dans les négociations onusiennes. Cette victoire permet d’ouvrir des discussions sur des questions importantes comme la taxation des ultra-riches et l’évasion fiscale, dans un cadre plus transparent et équitable.
L’enjeu est de taille. Le dernier rapport de l’OCDE sur la transparence fiscale en Afrique révèle que 12 pays africains ont récupéré 3,8 milliards d’euros de recettes fiscales grâce aux mécanismes d’échange d’informations. Cependant, selon les deux dernières éditions du rapport sur la justice fiscale mondiale, les pertes fiscales pour l’Afrique dépassent les 30 milliards de dollars, sans compter les exonérations fiscales souvent peu justifiées que les pays africains sont contraints d’accorder pour attirer les investissements. Les termes de référence adoptés à l’ONU incluent également la taxation des ultra-riches, qui déplacent souvent leurs fortunes vers des juridictions où elles sont faiblement imposées, rendant ces capitaux quasi impossibles à taxer dans leur pays d’origine. Selon le rapport « The Africa Wealth Report », 18 700 millionnaires ont quitté le continent avec leur richesse, contribuant à l’évasion fiscale massive. En réorientant les discussions vers un cadre plus équitable, l’Afrique, sous la direction de plusieurs de ses nations, pose les jalons d’une réforme fiscale mondiale plus juste, qui pourrait redéfinir les règles du jeu pour les décennies à venir.