500 000 barils par jour. C’est l’objectif de production de pétrole affiché désormais par la Côte d’Ivoire à l’horizon 2035. Il s’agit pour le pays de rejoindre le top 5 des plus gros producteurs de pétrole du continent derrière le Nigeria, la Libye, l’Angola et l’Algérie.
Si la production actuelle est seulement d’environ 30 000 barils/jour, ce nouveau cap fixé d’ici la fin de la prochaine décennie est le dernier signe de l’ambition croissante des autorités dans le secteur des énergies fossiles.
Connu pour sa production historique de cacao et son agriculture diversifiée grâce à des produits comme l’anacarde, l’huile de palme et le caoutchouc, le pays qui fournit près de 40 % du PIB de l’UEMOA connait en effet depuis bientôt 5 ans, un essor dans les hydrocarbures.
L’annonce par le groupe italien Eni en septembre 2021, de la découverte du champ pétro-gazier Baleine situé à environ 70 km au large du Golfe de Guinée a donné le coup d’envoi pour une nouvelle ère dans l’industrie des hydrocarbures en Côte d’Ivoire.
Avec des réserves prouvées de 2,5 milliards de barils de brut et de 3,3 trillions de pieds cubes de gaz naturel, il s’agit d’un des plus importants potentiels sur le continent africain.
Exploité en partenariat avec l’ivoirien Petroci, le gisement a commencé à produire en août 2023 dans le cadre de la première phase du projet alors que la deuxième phase a démarré à la fin de décembre 2024.
En dehors de ce gisement pour lequel il compte investir 10 milliards de dollars dans le développement entre 2023 et 2027, le groupe italien a également annoncé en mars 2024, une nouvelle découverte, nommée Calao dont les ressources potentielles ont été évaluées entre 1 et 1,5 milliard de barils de pétrole.
Ces différentes découvertes viennent couronner une décennie d’efforts publics pour faire de l’industrie extractive le deuxième pilier de l’économie ivoirienne derrière l’agriculture.
La réforme du code pétrolier en 2012 a permis d’attirer plus d’investissements privés. De 2011 à 2023, plus de 1200 milliards de Fcfa ont été investis dans la recherche pétrolière et 4513 milliards de FCFA dans l’exploitation pétrolière selon les données officielles.
Un atout dans la contribution à la diversification du mix énergétique
A l’heure où le pays veut devenir une nation à revenu intermédiaire de la tranche supérieure d’ici 2030, le temps presse et les défis sont nombreux.
Avec une économie qui croît à un rythme soutenu avec 6,5 % en 2023 selon la Banque africaine de développement (BAD), une industrialisation en marche et de nombreux chantiers de réformes, le pays doit augmenter sa production d’électricité pour répondre aux besoins des ménages et des entreprises.
Dans un tel contexte, l’essor des énergies fossiles est une opportunité pour non seulement satisfaire la consommation de pétrole qui augmente chaque année de 10 % mais aussi étoffer le parc énergétique pour continuer à positionner le pays comme un hub énergétique ouest-africain.
Avec 7 barrages hydroélectriques en service, 4 centrales thermiques existantes et de nombreux barrages en construction, la nation éburnéenne émerge progressivement comme un acteur majeur de la sous-région exportant 10 % de son électricité vers ses voisins comme le Ghana et le Mali.
Le pays s’est notamment doté d’un plan directeur de production sur la période 2022-2040 qui vise à augmenter la capacité installée de 5 127 MW en 2030 à 8 604 MW en 2040, avec une part de 45% d’énergies renouvelables.
« Norvège de l’Afrique »
Pour la Côte d’Ivoire, l’objectif du nouvel essor dans les énergies fossiles vise non seulement à favoriser le développement économique mais aussi fait du pays un modèle dans la bonne gouvernance.
« Nous visons à devenir la Norvège de l’Afrique, c’est-à-dire une référence continentale en matière de gestion responsable, transparente et inclusive des ressources extractives », indique Mamadou Sangafowa-Coulibaly, ministre du Pétrole, de l’Energie et des Mines.
Avec des réformes structurelles, le pays entend ainsi échapper à la malédiction pétrolière, maladie économique, connue aussi sous le nom de « syndrome hollandais » (Dutch desease).
Globalement, les économies pétrolières d’Afrique se limitent pour la plupart à cette seule ressource qui constitue souvent la principale – sinon l’unique – source de recettes fiscales et d’exportation.
Cette dépendance rend les États vulnérables à la volatilité des prix du baril, entraînant une instabilité budgétaire chronique. À cela s’ajoutent des problèmes comme la gestion opaque des revenus pétroliers, la corruption endémique, la faible redistribution sociale et la stagnation des indicateurs de développement humain.
Dans le cas de la Côte d’Ivoire, la donne pourrait être différente. Le pays dispose d’un socle agricole solide avec des filières d’exportation bien établies (cacao, hévéa, anacarde, palmier à huile), qui assurent une forme de diversification.
Si les revenus à venir issus du pétrole et du gaz sont bien gérés, ils pourraient accélérer les investissements dans les infrastructures, l’éducation ou l’industrialisation agroalimentaire consolidant ainsi une croissance plus équilibrée.
Il est encore trop tôt pour dire si la Côte d’Ivoire sera une exception durable au sein des économies pétrolières africaines parce que l’ère de l’exploration ne fait que commencer. Mais si elle parvient à éviter les écueils de la rente et à investir dans l’avenir, elle pourrait transformer ce qui a souvent été un malheur pour d’autres en véritable levier de développement.