Le Mali, le Burkina Faso et le Niger signent, le 16 septembre 2023, la charte du Liptako-Gourma, un pacte de défense mutuelle, qui donne naissance à l’Alliance des États du Sahel (AES). En juillet, les trois leaders putschistes l’ont convertie en confédération. La question que certains experts, notamment Abdelhak Bassou, chercheur au Policy Center for the New South, un think-tank basé à Rabat (Maroc), est de savoir jusqu’où ira l’entente entre ces trois États.
Issa DA SILVA SIKITI
« La question problématique que pose l’initiative n’est pas celle de la rapidité avec laquelle s’exécutent les étapes de la création des structures institutionnelles en vue d’une forme d’union fédérative ou confédérative, mais plutôt celle de la résistance face aux aléas du temps et des conjonctures de cette structure pour s’installer dans la durée », s’interroge d’emblée cet intellectuel marocain dans sa note d’orientation publiée récemment.
Pendant que cette organisation cherche sa place au soleil dans un contexte géopolitique tendu miné par des méfiances, des contre-vérités, de répression et de la dégradation de la situation politico-sécuritaire, Bassou appelle les trois gouvernements à mener des actions audacieuses non seulement multiples et diverses mais aussi complexes, afin de pérenniser leur union.
Selon lui, il y a d’abord l’action diplomatique, au cours de laquelle les trois États doivent, sans précipitation, négocier toutes les clauses qui vont assurer la pérennité du projet et sa réussite, sans bouleverser leur entourage ni exacerber les soupçons et les hostilités de leur voisinage. « La CEDEAO, communauté à laquelle appartiennent les trois pays, montre déjà une certaine animosité dans la mesure où elle estime que la prise de pouvoir des nouveaux régimes est inconstitutionnelle ».
Politiques fiscales
Sur le plan économique, il souligne l’importance de régler la question d’intégration des économies des trois États et créer une union économique plus étroite, en harmonisant les politiques fiscales, les réglementations commerciales et les infrastructures économiques. « Ils doivent sinon solder les effets des relations économiques avec la CEDEAO, du moins tracer les nouvelles voies de la relation et des échanges avec cette communauté ».
A en croire Bassou, l’action politique consiste à convaincre les forces politiques et les populations des États pour soutenir une telle union, ce qui peut nécessiter de longues campagnes de sensibilisation, des débats publics et des réformes institutionnelles internes dans chaque État.
Quant au volet sécuritaire, poursuit ce spécialiste de la défense, l’action doit renforcer l’interopérabilité entre les armées des trois États membres et créer un cadre de défense commun, ce qui pourrait inclure des accords de défense mutuelle ou la création d’une force de défense commune.
Enfin, ce professeur associé au Mohammed VI Polytechnic University, suggère une action culturelle et sociale en vue d’encourager les échanges culturels et sociaux entre les populations des trois États, dans le but de favoriser un sentiment d’identité commune et de solidarité.
« Ces actions nécessitent un engagement politique considérable de la part des dirigeants de l’alliance et une volonté de compromis de la part des trois États. Le processus est long et complexe et requiert une préparation minutieuse ».