Ce 16 septembre 2025 marque le deuxième anniversaire de l’Alliance des États du Sahel (AES), regroupant le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Née dans un contexte de rupture avec la CEDEAO et d’insécurité croissante, l’alliance s’est rapidement imposée comme un nouvel acteur régional. Mais deux ans après sa création, le bilan reste contrasté et les perspectives, incertaines.
L’un des points positifs de l’AES est son aspiration à l’émancipation diplomatique. Les trois États membres cherchent à se distancier de l’influence française, qui a longtemps été perçue comme une tutelle. En se rapprochant de nouvelles puissances comme la Russie et la Turquie, l’AES tente de redéfinir ses partenariats. Cependant, cette stratégie pose des questions sur la nature de ces nouvelles alliances et sur les véritables intérêts en jeu. L’émancipation est-elle synonyme de véritable indépendance ou simplement d’un changement de tutelle ?
Des succès sécuritaires à tempérer
Sur le front sécuritaire, l’AES a renforcé la coopération militaire entre ses membres, menant des opérations conjointes contre les groupes armés. Si ces actions ont donné lieu à des succès notables, la menace djihadiste demeure. Les régions rurales restent sous contrôle limité, et les moyens financiers et technologiques nécessaires pour une lutte efficace contre le terrorisme font cruellement défaut. Cela soulève des interrogations sur la viabilité de l’AES en tant que force militaire unifiée face à des défis si complexes.
Des progrès économiques : Un chemin parsemé d’embûches
Sur le plan économique, malgré les sanctions et les défis structurels, des projets d’intégration ont été annoncés. Toutefois, ces initiatives doivent encore surmonter de nombreux obstacles pour garantir une véritable autosuffisance alimentaire et attirer des investissements étrangers. La gestion des ressources naturelles, comme l’or et l’uranium, doit se faire de manière transparente pour éviter les dérives et garantir un développement durable.
Peut-être le plus préoccupant est le prolongement des mandats des régimes en place sans élections. Justifié par la nécessité de lutter contre le terrorisme, ce choix risque de compromettre la stabilité institutionnelle à long terme. Les tensions avec l’opposition, dont plusieurs membres sont emprisonnés, révèlent une fragilité démocratique inquiétante. Cela remet en question la légitimité de l’AES en tant que projet politique, et son avenir dépendra de sa capacité à construire une gouvernance inclusive et représentative.
Un avenir à redéfinir
L’AES, bien qu’elle ait su s’affirmer comme un acteur régional, doit aujourd’hui faire face à des défis colossaux. Son anniversaire est une occasion de réfléchir à ses réussites, mais aussi à ses échecs. Pour qu’elle puisse réellement transformer le Sahel, l’alliance doit surmonter ses fragilités internes et bâtir des fondations solides pour une gouvernance qui inspire confiance. Les mois à venir seront cruciaux pour déterminer si l’AES saura réellement devenir un pôle de stabilité et d’indépendance en Afrique de l’Ouest ou si elle restera un projet symbolique, sans impact tangible sur la vie des populations.
Ibrahim Djibril (Coll.)