Monsieur Sophonie Jed KOBOUDE écrit régulièrement des articles de théorie économique, directement en lien avec la situation du Bénin. Aujourd’hui, je souhaiterais, dans sa lignée et de façon pratique, donner quelques pistes de réflexion sur le développement de l’industrie béninoise, car l’on doit être conscient de ce que tout pays qui se respecte doit avoir un socle industriel.
On le voit aujourd’hui, à l’échelon international, où la base industrielle de la Chine, l’Inde et de la Russie et, dans une certaine mesure, la Turquie pose un problème aux pays occidentaux qui se sont spécialisés dans les services.
Le gouvernement du Président Talon n’est pas resté inactif en ce qui concerne le développement industriel du pays :
Modernisation du Port Autonome de Cotonou
Un plan a été élaboré prévoyant 12 projets ; parmi les plus emblématiques :
La construction du terminal 5 ;
L’extension du bassin portuaire et la rénovation des quais Nord ;
La construction d’une zone logistique portuaire ;
La construction du deuxième poste pour les hydrocarbures.
Electricité
Parmi les mesures les plus importantes :
Création de la Société Béninoise de Production d’Electricité (SBPE) qui a pour activité la production et la vente d’électricité grâce à l’exploitation des actifs propres, l’achat de l’énergie solaire produite par les opérateurs privés et la vente d’électricité. Elle est chargée de vendre l’électricité à un tarif préférentiel à Glo-Djigbé Industrial Zone (GDIZ) ; Amélioration des performances de la Société Béninoise d’Energie Electrique (SBEE) et de la performance des acteurs du secteur de l’électricité du Bénin ; Promotion des énergies renouvelables et la transition énergétique.
Contrôle de la qualité des produits entrant au Bénin
Le gouvernement a mis en place des normes claires et des contrôles stricts basés sur la sécurisation des denrées et des matériaux importés ou produits localement. Sont impliquées essentiellement : l’Agence Nationale de Normalisation de Métrologie et du Contrôle Qualité (ANM) ; La COTECNA ; l’Agence Béninoise de Sécurité Sanitaires des Aliments (ABSSA) ; La mise en place d’une « Autorité de Mise en Consommation », future agence créée le mercredi 27 novembre 2024 en Conseil des Ministres, dont les modalités de fonctionnement restent à confirmer.
Signaux donnés aux marchés sur le cajou, le soja, la volaille
Le décret interdisant l’exportation de graines de soja et de noix brutes de cajou est entré en vigueur à partir du 1er avril 2024. Il garantit ainsi l’approvisionnement des usines de transformation installées à Glo-Djigbe et hors Glo-Djigbé.
Le Bénin a interdit l’importation d’œufs et de poulets congelés à partir du 31 décembre 2024. Cette démarche, dont le calendrier de mise en application reste à confirmer, vise à stimuler l’offre locale en produits avicoles, à préserver la santé de la population et à garantir des revenus plus satisfaisants aux éleveurs et à tous les acteurs de la chaîne de valeur des produits avicoles.
Promotion de l’enseignement technique
Le gouvernement a décidé de construire 30 lycées techniques agricoles et de mettre en place 8 écoles de métiers de référence qui vont assurer la formation des techniciens supérieurs, des techniciens et des ouvriers qualifiés, compétents et performants pour les besoins de l’économie béninoise et de la sous-région : Ecoles de métier du numérique, de l’énergie et du développement durable, de l’eau et de l’assainissement, de la menuiserie du bois et de l’aluminium, de la maintenance des véhicules et des équipements industriels, du bâtiment et des travaux publics, de la mode et du textile.
L’Agence de Développement de l’Enseignement Technique (ADET) a pour responsabilités d’assurer la coordination, la réalisation, la surveillance et le suivi de tous les projets et programmes liés à la Stratégie nationale de l’Enseignement et de la Formation Techniques et Professionnels (EFTP).
L’Université Technique de Ouidah
Sèmè City entre dans une nouvelle phase avec le démarrage imminent des travaux de son campus principal à Ouidah sur 336 hectares pour accueillir un grand nombre de programmes. Le campus intégrera des établissements académiques de haut niveau, des centres de recherche, des incubateurs, des logements, des infrastructures sportives et des commerces.
Lancement de la Zone Industrielle de Glo-Djigbe
La zone industrielle de Glo Djigbé (GDIZ), lancée en 2021, est le fleuron de l’industrie béninoise où, sur 1640 hectares, plusieurs industries majeures commencent à transformer les matières premières locales (coton fibre, noix de cajou, graines de soja).
Cette zone industrielle intégrée vise à créer des chaînes de valeur allant de l’approvisionnement en matières premières à l’exportation de produits finis, en passant par la transformation des ressources. Elle est majoritairement dédiée à la transformation des produits agricoles béninois, tels que le coton, la noix de cajou, l’ananas, les noix de karité ou encore le soja. Mais elle prévoit également la transformation de matières premières importées dont le Bénin tirera toute la valeur ajoutée. La GDIZ compte déjà 36 investisseurs ; 12 unités déjà opérationnelles avec plus de 10.000 emplois directs créés, 14 autres en cours d’installation avec une projection de création de 40.000 emplois ; elle a lancé la première unité intégrée de textile, avec un impact positif historique sur l’économie béninoise.
Création de l’APIEx
En 2014, faisant suite à l’ABePEC, a été créée l’APIEx (l’Agence de Promotion des Investissements et des Exportations) qui, placée sous la tutelle de la Présidence de la République, est le bras opérationnel du Gouvernement pour la mise en œuvre de sa politique de promotion des investissements et des exportations. Son rôle consiste à informer, orienter, assister, et accompagner les investisseurs et entreprises.L’APIEx est le Guichet unique de création des entreprises et la porte d’entrée des investisseurs au Bénin.
Création de l’ADPME
Créée en 2024, l’Agence de Développement des Petites et Moyennes Entreprises (ADPME) a pour vocation de fédérer et de mettre en cohérence l’ensemble des interventions publiques en appui aux MPME avec une offre intégrée d’accompagnement, d’orientation et de financement des MPME.
Modernisation de l’Administration Fiscale
Sous l’impulsion du DGI, Nicolas YENOUSSI, les technologies du numérique ont permis de simplifier les procédures administratives, de rendre plus accessibles les services fiscaux et d’améliorer la transparence et la traçabilité des transactions. Nous pouvons noter :
La simplification de la facturation électronique normalisée ;
La simulation de l’impôt ;
La plateforme numérique de télépaiement fiscal qui met fin aux nombreuses tracasseries envers les entreprises et contribuables dans le respect de leurs obligations fiscales.
Le Bénin s’est doté d’un nouveau Code Général des Impôts, en remplacement des anciens textes fiscaux, vieux de plus d’un demi-siècle. Il intègre pour la première fois dans l’histoire fiscale de notre pays, le livre des procédures fiscales. Il offre à l’Administration comme aux contribuables, une référence en ce qui concerne la mise en œuvre des dispositions fiscales. Il consacre désormais une séparation nette entre les règles d’assiettes et les procédures fiscales.
Exonération des droits de douane sur les équipements
Jusqu’ici, le code des investissements permettait aux entreprises d’importer leurs équipements en franchise de droits de douane. Cette mesure s’appliquait également aux zones franches et aux points francs. Désormais, depuis le vote du budget Gestion 2025, c’est l’ensemble des équipements importés qui sont exonérés des droits de douane.
Tous ces changements ont été suivis attentivement par le Chef de l’Etat. Mais, il reste maintenant à mettre en place une grande politique d’industrialisation, car la GDIZ est dédiée aux grosses industries exportatrices, très capitalistiques, alors que notre pays a besoin d’un maillage d’entreprises moyennes et de PME-PMI.
Celles qui existent, trop peu nombreuses, luttent pour survivre dans un environnement très compétitif ; elles ne pourront pas prospérer sans la mise en œuvre d’une grande politique nationale en leur faveur.
Après de nombreuses rencontres avec les industriels, le Conseil des Investisseurs privés du Bénin a noté un certain nombre de points sur lesquels l’Etat devrait se pencher pour assurer un environnement favorable à notre mince tissu industriel.
LA CONTREBANDE
Chaque fois que le Naira s’affaiblit par rapport au Franc CFA, on voit apparaitre sur le marché des produits qui viennent concurrencer les produits fabriqués au Bénin. On pense aussitôt à la bière Star que l’on trouve dans les bars, les restaurants et les magasins d’alimentation. Il en est de même des petits paquets de biscuits marqués NAFDAC, vendus 20% moins cher que le même conditionnement de biscuits « Made in Benin ».
Il devient nécessaire que les équipes volantes de la Douane fassent des contrôles sérieux ; si l’on fermait quelques bars, restaurants et magasins qui vendent ces produits de contrebande, il est plus que probable qu’ils ne seraient plus vendus dans des lieux publics et que 90% de la contrebande serait arrêtée.
Il en est de même de la peinture qui vient du Ghana, sous des emballages frauduleux, faisant concurrence à l’industrie locale.
LA FRAUDE
Il y a tout d’abord la fraude au certificat d’origine ; l’exemple typique est l’huile de palme « Made in Togo », qui est en fait de l’huile originaire du Sud-Est asiatique, sous conditionnement togolais. Il conviendrait de mettre en place un certificat d’origine communautaire, sécurisé et authentique. Cela résoudrait peut-être notre différend avec la Côte d’Ivoire qui, par exemple, refuse le caractère communautaire aux pâtes alimentaires produites au Bénin.
La contrefaçon est un autre fléau : ainsi VLISCO, qui importe ses pagnes en payant tous les droits, est concurrencé par des imitations venues de Chine, qui sont pourtant facile à détecter, puisqu’il existe une application permettant de reconnaitre les produits VLISCO authentiques. Là aussi, une intervention efficace de la Douane permettrait de résoudre le problème.
La fraude à la valeur transactionnelle : certains produits sont vendus très en dessous du prix normal à l’export, ce qui permet de réduire les droits de douane et la TVA, cependant la différence est réglée au fournisseur au moyen d’un « awalé ». Benin Control fait des efforts importants pour endiguer ce problème. Cependant il est important que les opérateurs économiques contribuent à l’élimination de ces sources de concurrence déloyale en aidant les autorités dans le cadre de cette lutte. Les entreprises attendent donc de la part de Benin Control une collaboration continue en la matière.
La politique des valeurs mercuriales : traditionnellement, le Bénin appliquait des valeurs mercuriales nettement en dessous de la valeur transactionnelle sur certains produits : huile, riz, farine, etc. Cela favorisait l’exportation vers le Nigéria après la mise à la consommation.
La nouvelle attitude est de ne pas appliquer de valeur mercuriale et de laisser les importateurs déclarer la valeur transactionnelle ; ceci a malheureusement parfois donné lieu à des abus (voir plus haut).
La Côte d’Ivoire a une attitude différente et applique des valeurs transactionnelles punitives pour protéger tel ou tel secteur de son économie, par exemple les pâtes alimentaires. Le Bénin pourrait s’inspirer de cette méthode.
Le Gouvernement a règlementé la profession de commissionnaire agréé en douane. Il reste maintenant à la moderniser en tenant compte de la digitalisation des procédures.
L’existence d’une plateforme permettrait un suivi en temps réel des marchandises et des déclarations évitant les fraudes, qui pourront être ainsi sanctionnées.
AMELIORATION DES COÛTS DE PRODUCTION DES SOCIETES LOCALES
Le problème des emballages est récurrent. Nous avons le cas d’un membre dont les emballages produits localement sont plus chers que certains produits chinois concurrents sortis du port.
Il existe dans la loi de finance une exonération pour certains « produits intermédiaires », par exemple les emballages qui entrent dans la composition des produits fabriqués au Bénin et exportés qui, de toute façon, auraient bénéficiés du drawback.
Cependant il sera important pour les industriels béninois, pour obtenir une telle exonération de type « produits intermédiaires », d’avoir un business plan basé sur des comparaisons de coûts – Bénin par rapport au reste de la zone CEDEAO. C’est un prérequis à ce type de demande.
Ceci nous amène au cas des produits qui sont considérés comme des produits finis par la nomenclature douanière, mais sont des « produits intermédiaires » pour les industriels.
Un fabricant de peinture national a été confronté à ce cas. Le refus de la Douane à acquiescer à sa demande a conduit à la fermeture pure et simple de la chaine de production, car le produit fini n’était plus du tout compétitif par rapport aux imitations venues du Ghana (la double peine !). Un autre cas est celui du lait en poudre importé par des fabricants béninois de yaourts et yaourts liquides.
LES BARRIERES NON TARIFAIRES
Il s’agit essentiellement des normes exigées pour la mise sur le marché des produits alimentaires et non alimentaires. Il y a déjà un contrôle très strict des produits fabriqués au Bénin par l’Agence Nationale de Normalisation de Métrologie et du Contrôle Qualité (ANM) et l’Agence Béninoise de Sécurité Sanitaires des Aliments (ABSSA) pour les produits alimentaires.
Par contre, pour les produits importés, il ne semble pas que COTECNA ait pour mission de contrôler tous les produits ; en 2022, son contrat incluait une liste limitative de produits (blé, huile, fer à béton, tuyau PVC, etc.). Cette liste ne contenait pas de produits sensibles comme les pâtes alimentaires, la farine, les concentrés de tomates, etc.
LA CONCURRENCE AVEC LES MARCHANDISES PRODUITES A GLO-DJIGBE
Les usines installées à Glo-Djigbe ont le droit, dans certains cas, de vendre 20% de leur production dans l’espace communautaire CEDEAO et leurs clients doivent traiter ces achats comme des importations venant d’un pays étranger hors CEDEAO.
Une clarification de la SIPI concernant les ventes sur le marché du Bénin pour les entreprises de Glo-Djibé s’impose : on ne peut pas imaginer une concurrence déloyale de la part des entreprises installées à Glo-Djibé par rapport aux entreprises du Bénin déjà soumises a une fiscalisation forte. La fiscalisation des ventes ex Glo-Djibé avec des avantages de la zone franche sur le marché béninois doit être appliquée et contrôlée.
Ces règles sont-elles respectées ?
L’aménagement de la zone industrielle de Sèmè-Podji
Cette zone industrielle attire de plus en plus d’industries dont le business model est différent de celui de Glo-Djigbé, qui est réservée à des industries très capitalistiques et principalement exportatrices. Il est indispensable de procéder à une remise à niveau de cette zone industrielle : routes, disponibilité de l’électricité (car certains investisseurs ont travaillé plus d’un an sur groupe électrogène dans cette zone), éclairage la nuit, fibre optique, etc.
Installation d’une mini centrale nucléaire
De nombreux pays (Russie, Etats Unis en particulier) produisent de mini centrales nucléaires (Small Modular Reactors) d’une capacité de 10 à 300 Mégawatts. Les pays africains commencent à s’y intéresser : Maroc, Afrique du Sud en particulier. L’installation de deux centrales de ce type, dans le cadre d’accords avec des pays voisins pour utiliser les éventuels excédents de production, résoudrait notre problème de manque d’énergie abondante et pas chère.
Il faudrait commencer immédiatement les procédures d’habilitation par l’Agence de l’Energie Atomique, étant entendu que les centrales seraient installées dans le cadre de PPP assurant l’assistance technique.
Il conviendrait de prévoir l’ouverture d’un département dédié au nucléaire dans la nouvelle Université Technologique de Ouidah.
L’éducation entrepreneuriale
Le Professeur Dodji AMOUZOUVI, dans l’étude commandité par le CIPB sur la motivation au travail, préconisait des cours d’éducation civique et morale à haute dose dans le primaire. Nous y ajouterons volontiers une éducation entrepreneuriale tout au long du secondaire.
CONCLUSION
Le Bénin pourrait prendre exemple sur le Japon d’après-guerre qui, grâce au « Ministry of International Trade and Industry » (MITI) a recréé de toutes pièces un secteur industriel puissant sans comparaison avec ce qui existait avant Pearl Harbour.
Le Bénin a su créer des Agences capables de dynamiser une activité, le dernier exemple étant l’Agence Nationale de l’Alimentation et de la Nutrition (ANAN).
Pouvons-nous rêver d’une Agence Nationale du Développement Industriel ?
Installation d’une mini centrale nucléaire
De nombreux pays (Russie, Etats Unis en particulier) produisent de mini centrales nucléaires (Small Modular Reactors) d’une capacité de 10 à 300 Mégawatts. Les pays africains commencent à s’y intéresser : Maroc, Afrique du Sud en particulier. L’installation de deux centrales de ce type, dans le cadre d’accords avec des pays voisins pour utiliser les éventuels excédents de production, résoudrait notre problème de manque d’énergie abondante et pas chère.
Il faudrait commencer immédiatement les procédures d’habilitation par l’Agence de l’Energie Atomique, étant entendu que les centrales seraient installées dans le cadre de PPP assurant l’assistance technique.
Il conviendrait de prévoir l’ouverture d’un département dédié au nucléaire dans la nouvelle Université Technologique de Ouidah.
L’éducation entrepreneuriale
Le Professeur Dodji AMOUZOUVI, dans l’étude commandité par le CIPB sur la motivation au travail, préconisait des cours d’éducation civique et morale à haute dose dans le primaire. Nous y ajouterons volontiers une éducation entrepreneuriale tout au long du secondaire.
CONCLUSION
Le Bénin pourrait prendre exemple sur le Japon d’après-guerre qui, grâce au « Ministry of International Trade and Industry » (MITI) a recréé de toutes pièces un secteur industriel puissant sans comparaison avec ce qui existait avant Pearl Harbour.
Le Bénin a su créer des Agences capables de dynamiser une activité, le dernier exemple étant l’Agence Nationale de l’Alimentation et de la Nutrition (ANAN).
Pouvons-nous rêver d’une Agence Nationale du Développement Industriel ?
Le Bénin pourrait prendre exemple sur le Japon d’après-guerre qui, grâce au « Ministry of International Trade and Industry » (MITI) a recréé de toutes pièces un secteur industriel puissant sans comparaison avec ce qui existait avant Pearl Harbour.
Le Bénin a su créer des Agences capables de dynamiser une activité, le dernier exemple étant l’Agence Nationale de l’Alimentation et de la Nutrition (ANAN).
Pouvons-nous rêver d’une Agence Nationale du Développement Industriel ?