La taille de l’économie informelle est importante en Afrique, surtout dans les pays exportateurs de pétrole et les États fragiles, et représente en moyenne près de 60% du Produit intérieur brut (PIB) du continent. C’est une source majeure de gagne-pain pour des millions de personnes, représentant plus de 80% des emplois dans tout le continent. Cependant, la stratégie des États de laisser fleurir ce secteur pour qu’il devienne une arme puissante contre la pauvreté chronique semble se retourner comme eux. Depuis le soleil des indépendances, presque tous les travailleurs informels africains demeurent dans la pauvreté, perpétuant ainsi un cycle infernal et interminable de pauvreté aux générations futures.
Issa DA SILVA SIKITI
Trois ans après avoir terminé ses études secondaires et faute de moyens pour étudier à l’université ou de trouver un emploi décent, Matthieu, 22 ans, a été embauché dans le secteur informel, où il est payé en fonction des performances mensuelles de l’entreprise. Alors qu’il espérait que le nouvel emploi allait changer le cours de sa vie, il est déçu. « Je ne fais que tourner en rond en s’enfonçant de plus en plus dans la pauvreté. Si je ne quitte pas vite ce pays, je risque de vieillir dans la pauvreté », s’est-il lamenté.
Le patron de Matthieu a déclaré à L’économiste du Bénin qu’il ne pouvait pas opérer des miracles à cause de la production sur mesure de son entreprise et la volatilité des ventes. « Nous ne sommes qu’une entreprise informelle qui opère grâce à nos fonds propres. Parfois ça marche, parfois ça ne marche pas. C’est ça l’Afrique ».
« Les employés informels font face à une pauvreté importante qui ne fait que s’auto-alimenter. La précarité et l’instabilité des revenus affectent la productivité et donc l’employabilité, générant ainsi un cercle vicieux qui les maintient dans l’informalité et la pauvreté », affirme une étude menée par IETP (Investisseurs et Partenaires).
Manque à gagner pour l’État
Deux experts, Shu Yu et Dana Vorisek, ont souligné dans une analyse publiée sur le site de la Banque mondiale qu’un niveau élevé d’informalité rimait avec une faible productivité. « Dans les économies émergentes et en développement, la productivité du travail dans les entreprises informelles n’atteint qu’un quart en moyenne de celles que connaissent les structures déclarées. Quant à la rémunération des travailleurs informels, elle est inférieure de 19% en moyenne à celle des salariés du secteur formel. Un écart qui s’explique en grande partie par les caractéristiques qui distinguent ces deux catégories de travailleurs. De fait, dès lors que l’on prend en compte le faible niveau d’éducation, le manque d’expérience et d’autres traits caractéristiques des travailleurs informels, les disparités de salaire deviennent négligeables ».
Selon AFRISTAT, le secteur informel constitue également un certain manque à gagner pour l’État en raison du faible taux de recouvrement fiscal. Cependant, avec l’entrée en vigueur de la Zone de libre-échange continentale africain (ZLECAF), poursuit AFRISTAT, les réflexions sur le secteur informel devraient s’accentuer dans le sens de l’amélioration des politiques liées à la formalisation des unités de production informelles et à la productivité dans ce secteur ».
Il n’y a de « bon » dans le secteur informel